Les sessions slam constituent un lieu d’expression libre plutôt rare dans l’espace public contemporain. La scène est ouverte à tous, n’importe qui peut venir déclamer un texte, à n’importe quel moment de la soirée, il suffit pour cela de lever la main et le MC (maître de cérémonie) cède le micro pour un temps limité (environ 3 minutes). Du jeune rappeur au vieux poète, de l’ouvrier à l’universitaire, du comédien au spécialiste du calembour, du comique au tragédien, homme, femme, jeune, vieux, révolté, conformiste, naïf, éclairé, handicapé moteur ou mental, ex-détenu, éducateur social…, la pluralité et l’hétérogénéité spécifiques à ces soirées en font un lieu unique de rencontre, de débat, d’échange et de partage où chacun peut librement révéler son intériorité, son engagement, sa condition, pousser un coup de gueule, offrir un coup de cœur, déclarer sa flamme, etc., face à un public qui rend compte de ses sentiments avec une instantanéité que l’on ne retrouve dans aucun spectacle actuel.
Au théâtre ou au cinéma, il faut se taire ; dans les sessions Slam, le public réagit immédiatement : il ovationne, crie, hue, interpelle, se moque, fait silence, rit, ce qui confère sans nul doute une dimension cathartique aux sessions. Il y a peu d’endroits aujourd’hui dans lesquels on peut partager, échanger, rencontrer. Les séances de slam apparaissent en ce sens comme l’anti-site de rencontre, l’anti-réseau social virtuel (même si Facebook, entre autres, entre dans la communication des événements ou dans les relations entre poètes). C’est très probablement une relation directe, « physique » que viennent chercher acteurs et spectateurs. C’est aussi un espace de liberté unique, une nouvelle agora créée par le peuple et pour le peuple.